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L'année 1866 fut marquée par un événement bizarre, un phénomène
inexpliqué et inexplicable que personne n'a sans doute oublié. Sans
parler des rumeurs qui agitaient les populations des ports et
surexcitaient l'esprit public à l'intérieur des continents les gens de
mer furent particulièrement émus. Les négociants, armateurs, capitaines
de navires, skippers et masters de l'Europe et de l'Amérique, officiers
des marines militaires de tous pays, et, après eux, les gouvernements
des divers États des deux continents, se préoccupèrent de ce fait au
plus haut point.
En effet, depuis quelque temps, plusieurs navires s'étaient rencontrés
sur mer avec « une chose énorme » un objet long, fusiforme, parfois
phosphorescent, infiniment plus vaste et plus rapide qu'une baleine.
Les faits relatifs à cette apparition, consignés aux divers livres de
bord, s'accordaient assez exactement sur la structure de l'objet ou de
l'être en question, la vitesse inouïe de ses mouvements, la puissance
surprenante de sa locomotion, la vie particulière dont il semblait
doué. Si c'était un cétacé, il surpassait en volume tous ceux que la
science avait classés jusqu'alors. Ni Cuvier, ni Lacépède, ni M.
Dumeril, ni M. de Quatrefages n'eussent admis l'existence d'un tel
monstre -- à moins de l'avoir vu, ce qui s'appelle vu de leurs propres
yeux de savants.
A prendre la moyenne des observations faites à diverses reprises -- en
rejetant les évaluations timides qui assignaient à cet objet une
longueur de deux cents pieds et en repoussant les opinions exagérées
qui le disaient large d'un mille et long de trois -- on pouvait
affirmer, cependant, que cet être phénoménal dépassait de beaucoup
toutes les dimensions admises jusqu'à ce jour par les ichtyologistes --
s'il existait toutefois.
Or, il existait, le fait en lui-même n'était plus niable, et, avec ce
penchant qui pousse au merveilleux la cervelle humaine, on comprendra
l'émotion produite dans le monde entier par cette surnaturelle
apparition. Quant à la rejeter au rang des fables, il fallait y
renoncer.
En effet, le 20 juillet 1866, le steamer _Governor-Higginson_, de
Calcutta and Burnach steam navigation Company, avait rencontré cette
masse mouvante à cinq milles dans l'est des côtes de l'Australie. Le
capitaine Baker se crut, tout d'abord, en présence d'un écueil inconnu
; il se disposait même à en déterminer la situation exacte, quand deux
colonnes d'eau, projetées par l'inexplicable objet, s'élancèrent en
sifflant à cent cinquante pieds dans l'air. Donc, à moins que cet
écueil ne fût soumis aux expansions intermittentes d'un geyser, le
_Governor-Higginson_ avait affaire bel et bien à quelque mammifère
aquatique, inconnu jusque-là, qui rejetait par ses évents des colonnes
d'eau, mélangées d'air et de vapeur.
Pareil fait fut également observé le 23 juillet de la même année, dans
les mers du Pacifique, par le _Cristobal-Colon_, de West India and
Pacific steam navigation Company. Donc, ce cétacé extraordinaire
pouvait se transporter d'un endroit à un autre avec une vélocité
surprenante, puisque à trois jours d'intervalle, le
_Governor-Higginson_ et le _Cristobal-Colon_ l'avaient observé en deux
points de la carte séparés par une distance de plus de sept cents
lieues marines. Quinze jours plus tard, à deux mille lieues de là
l'_Helvetia_, de la Compagnie Nationale, et le _Shannon_, du
Royal-Mail, marchant à contrebord dans cette portion de l'Atlantique
comprise entre les États-Unis et l'Europe, se signalèrent
respectivement le monstre par 42°15' de latitude nord, et 60°35' de
longitude à l'ouest du méridien de Greenwich. Dans cette observation
simultanée, on crut pouvoir évaluer la longueur minimum du mammifère à
plus de trois cent cinquante pieds anglais, puisque le _Shannon_ et
l'_Helvetia_ étaient de dimension inférieure à lui, bien qu'ils
mesurassent cent mètres de l'étrave à l'étambot. Or, les plus vastes
baleines, celles qui fréquentent les parages des îles Aléoutiennes, le
Kulammak et l'Umgullick, n'ont jamais dépassé la longueur de
cinquante-six mètres, -- si même elles l'atteignent.
Ces rapports arrivés coup sur coup, de nouvelles observations faites à
bord du transatlantique le _Pereire_, un abordage entre l'_Etna_, de la
ligne Inman, et le monstre, un procès-verbal dressé par les officiers
de la frégate française la _Normandie_, un très sérieux relèvement
obtenu par l'état-major du commodore Fitz-James à bord du _Lord-Clyde_,
émurent profondément l'opinion publique. Dans les pays d'humeur légère,
on plaisanta le phénomène, mais les pays graves et pratiques,
l'Angleterre, l'Amérique, l'Allemagne, s'en préoccupèrent vivement.
Partout dans les grands centres, le monstre devint à la mode ; on le
chanta dans les cafés, on le bafoua dans les journaux, on le joua sur
les théâtres. Les canards eurent là une belle occasion de pondre des
oeufs de toute couleur. On vit réapparaître dans les journaux -- à
court de copie -- tous les êtres imaginaires et gigantesques, depuis la
baleine blanche, le terrible « Moby Dick » des régions hyperboréennes,
jusqu'au Kraken démesuré, dont les tentacules peuvent enlacer un
bâtiment de cinq cents tonneaux et l'entraîner dans les abîmes de
l'Océan. On reproduisit même les procès-verbaux des temps anciens les
opinions d'Aristote et de Pline, qui admettaient l'existence de ces
monstres, puis les récits norvégiens de l'évêque Pontoppidan, les
relations de Paul Heggede, et enfin les rapports de M. Harrington, dont
la bonne foi ne peut être soupçonnée, quand il affirme avoir vu, étant
à bord du _Castillan_, en 1857, cet énorme serpent qui n'avait jamais
fréquenté jusqu'alors que les mers de l'ancien _Constitutionnel_.
Alors éclata l'interminable polémique des crédules et des incrédules
dans les sociétés savantes et les journaux scientifiques. La « question
du monstre » enflamma les esprits. Les journalistes, qui font
profession de science en lutte avec ceux qui font profession d'esprit,
versèrent des flots d'encre pendant cette mémorable campagne ;
quelques-uns même, deux ou trois gouttes de sang, car du serpent de
mer, ils en vinrent aux personnalités les plus offensantes.
Six mois durant, la guerre se poursuivit avec des chances diverses. Aux
articles de fond de l'Institut géographique du Brésil, de l'Académie
royale des sciences de Berlin, de l'Association Britannique, de
l'Institution Smithsonnienne de Washington, aux discussions du _The
Indian Archipelago_, du _Cosmos_ de l'abbé Moigno, des _Mittheilungen_
de Petermann, aux chroniques scientifiques des grands journaux de la
France et de l'étranger, la petite presse ripostait avec une verve
intarissable. Ses spirituels écrivains parodiant un mot de Linné, cité
par les adversaires du monstre, soutinrent en effet que « la nature ne
faisait pas de sots », et ils adjurèrent leurs contemporains de ne
point donner un démenti à la nature, en admettant l'existence des
Krakens, des serpents de mer, des « Moby Dick », et autres
élucubrations de marins en délire. Enfin, dans un article d'un journal
satirique très redouté, le plus aimé de ses rédacteurs, brochant sur le
tout, poussa au monstre, comme Hippolyte, lui porta un dernier coup et
l'acheva au milieu d'un éclat de rire universel. L'esprit avait vaincu
la science.
Pendant les premiers mois de l'année 1867, la question parut être
enterrée, et elle ne semblait pas devoir renaître, quand de nouveaux
faits furent portés à la connaissance du public. Il ne s'agit plus
alors d'un problème scientifique à résoudre, mais bien d'un danger réel
sérieux à éviter. La question prit une tout autre face. Le monstre
redevint îlot, rocher, écueil, mais écueil fuyant, indéterminable,
insaisissable.
Le 5 mars 1867, le _Moravian_, de Montréal Océan Company, se trouvant
pendant la nuit par 27°30' de latitude et 72°15' de longitude, heurta
de sa hanche de tribord un roc qu'aucune carte ne marquait dans ces
parages. Sous l'effort combiné du vent et de ses quatre cents
chevaux-vapeur, il marchait à la vitesse de treize noeuds. Nul doute
que sans la qualité supérieure de sa coque, le _Moravian_, ouvert au
choc, ne se fût englouti avec les deux cent trente-sept passagers qu'il
ramenait du Canada.
L'accident était arrivé vers cinq heures du matin, lorsque le jour
commençait à poindre. Les officiers de quart se précipitèrent à
l'arrière du bâtiment. Ils examinèrent l'Océan avec la plus scrupuleuse
attention. Ils ne virent rien, si ce n'est un fort remous qui brisait à
trois encablures, comme si les nappes liquides eussent été violemment
battues. Le relèvement du lieu fut exactement pris, et le _Moravian_
continua sa route sans avaries apparentes. Avait-il heurté une roche
sous-marine, ou quelque énorme épave d'un naufrage ? On ne put le
savoir ; mais, examen fait de sa carène dans les bassins de radoub, il
fut reconnu qu'une partie de la quille avait été brisée.
Ce fait, extrêmement grave en lui-même, eût peut-être été oublié comme
tant d'autres, si, trois semaines après, il ne se fût reproduit dans
des conditions identiques. Seulement, grâce à la nationalité du navire
victime de ce nouvel abordage, grâce à la réputation de la Compagnie à
laquelle ce navire appartenait, l'événement eut un retentissement
immense.
Personne n'ignore le nom du célèbre armateur anglais Cunard. Cet
intelligent industriel fonda, en 1840, un service postal entre
Liverpool et Halifax, avec trois navires en bois et à roues d'une force
de quatre cents chevaux, et d'une jauge de onze cent soixante-deux
tonneaux. Huit ans après, le matériel de la Compagnie s'accroissait de
quatre navires de six cent cinquante chevaux et de dix-huit cent vingt
tonnes, et, deux ans plus tard, de deux autres bâtiments supérieurs en
puissance et en tonnage. En 1853, la compagnie Cunard, dont le
privilège pour le transport des dépêches venait d'être renouvelé,
ajouta successivement à son matériel l'_Arabia_, le _Persia_, le
_China_, le _Scotia_, le _Java_, le _Russia_, tous navires de première
marche, et les plus vastes qui, après le _Great-Eastern_, eussent
jamais sillonné les mers. Ainsi donc, en 1867, la Compagnie possédait
douze navires, dont huit à roues et quatre à hélices.
Si je donne ces détails très succincts, c'est afin que chacun sache
bien quelle est l'importance de cette compagnie de transports
maritimes, connue du monde entier pour son intelligente gestion. Nulle
entreprise de navigation transocéanienne n'a été conduite avec plus
d'habileté ; nulle affaire n'a été couronnée de plus de succès. Depuis
vingt-six ans, les navires Cunard ont traversé deux mille fois
l'Atlantique, et jamais un voyage n'a été manqué, jamais un retard n'a
eu lieu, jamais ni une lettre, ni un homme, ni un bâtiment n'ont été
perdus. Aussi, les passagers choisissent-ils encore, malgré la
concurrence puissante que lui fait la France, la ligne Cunard de
préférence à toute autre, ainsi qu'il appert d'un relevé fait sur les
documents officiels des dernières années. Ceci dit, personne ne
s'étonnera du retentissement que provoqua l'accident arrivé à l'un de
ses plus beaux steamers.
Le 13 avril 1867, la mer étant belle, la brise maniable, le _Scotia_ se
trouvait par 15°12' de longitude et 45°37' de latitude. Il marchait
avec une vitesse de treize noeuds quarante-trois centièmes sous la
poussée de ses mille chevaux-vapeur. Ses roues battaient la mer avec
une régularité parfaite. Son tirant d'eau était alors de six mètres
soixante-dix centimètres, et son déplacement de six mille six cent
vingt-quatre mètres cubes.
A quatre heures dix-sept minutes du soir, pendant le lunch des
passagers réunis dans le grand salon, un choc, peu sensible, en somme,
se produisit sur la coque du _Scotia_, par sa hanche et un peu en
arrière de la roue de bâbord.
Le _Scotia_ n'avait pas heurté, il avait été heurté, et plutôt par un
instrument tranchant ou perforant que contondant. L'abordage avait
semblé si léger que personne ne s'en fût inquiété à bord, sans le cri
des caliers qui remontèrent sur le pont en s'écriant :
« Nous coulons ! nous coulons ! »
Tout d'abord, les passagers furent très effrayés ; mais le capitaine
Anderson se hâta de les rassurer. En effet, le danger ne pouvait être
imminent. Le _Scotia_, divisé en sept compartiments par des cloisons
étanches, devait braver impunément une voie d'eau.
Le capitaine Anderson se rendit immédiatement dans la cale. Il reconnut
que le cinquième compartiment avait été envahi par la mer, et la
rapidité de l'envahissement prouvait que la voie d'eau était
considérable. Fort heureusement, ce compartiment ne renfermait pas les
chaudières, car les feux se fussent subitement éteints.
Le capitaine Anderson fit stopper immédiatement, et l'un des matelots
plongea pour reconnaître l'avarie. Quelques instants après, on
constatait l'existence d'un trou large de deux mètres dans la carène du
steamer. Une telle voie d'eau ne pouvait être aveuglée, et le _Scotia_,
ses roues à demi noyées, dut continuer ainsi son voyage. Il se trouvait
alors à trois cent mille du cap Clear, et après trois jours d'un retard
qui inquiéta vivement Liverpool, il entra dans les bassins de la
Compagnie.
Les ingénieurs procédèrent alors à la visite du _Scotia_, qui fut mis
en cale sèche. Ils ne purent en croire leurs yeux. A deux mètres et
demi au-dessous de la flottaison s'ouvrait une déchirure régulière, en
forme de triangle isocèle. La cassure de la tôle était d'une netteté
parfaite, et elle n'eût pas été frappée plus sûrement à
l'emporte-pièce. Il fallait donc que l'outil perforant qui l'avait
produite fût d'une trempe peu commune -- et après avoir été lancé avec
une force prodigieuse, ayant ainsi perce une tôle de quatre
centimètres, il avait dû se retirer de lui-même par un mouvement
rétrograde et vraiment inexplicable.
Tel était ce dernier fait, qui eut pour résultat de passionner à
nouveau l'opinion publique. Depuis ce moment, en effet, les sinistres
maritimes qui n'avaient pas de cause déterminée furent mis sur le
compte du monstre. Ce fantastique animal endossa la responsabilité de
tous ces naufrages, dont le nombre est malheureusement considérable ;
car sur trois mille navires dont la perte est annuellement relevée au
Bureau-Veritas, le chiffre des navires à vapeur ou à voiles, supposés
perdus corps et biens par suite d'absence de nouvelles, ne s'élève pas
à moins de deux cents !
Or, ce fut le « monstre » qui, justement ou injustement, fut accusé de
leur disparition, et, grâce à lui, les communications entre les divers
continents devenant de plus en plus dangereuses, le public se déclara
et demanda catégoriquement que les mers fussent enfin débarrassées et à
tout prix de ce formidable cétacé.
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Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de remercier d'abord le gouvernement et le peuple sénégalais de leur accueil si chaleureux. Permettez-moi de remercier l'université de Dakar qui me permet pour la première fois de m'adresser à l'élite de la jeunesse africaine en tant que Président de la République française.
Je suis venu vous parler avec la franchise et la sincérité que l'on doit à des amis que l'on aime et que l'on respecte. J'aime l'Afrique, je respecte et j'aime les Africains.
Entre le Sénégal et la France, l'histoire a tissé les liens d'une amitié que nul ne peut défaire. Cette amitié est forte et sincère. C'est pour cela que j'ai souhaité adresser, de Dakar, le salut fraternel de la France à l'Afrique toute entière.
Je veux, ce soir, m'adresser à tous les Africains qui sont si différents les uns des autres, qui n'ont pas la même langue, qui n'ont pas la même religion, qui n'ont pas les mêmes coutumes, qui n'ont pas la même culture, qui n'ont pas la même histoire et qui pourtant se reconnaissent les uns les autres comme des Africains. Là réside le premier mystère de l'Afrique.
Oui, je veux m'adresser à tous les habitants de ce continent meurtri, et, en particulier, aux jeunes, à vous qui vous êtes tant battus les uns contre les autres et souvent tant haïs, qui parfois vous combattez et vous haïssez encore mais qui pourtant vous reconnaissez comme frères, frères dans la souffrance, frères dans l'humiliation, frères dans la révolte, frères dans l'espérance, frères dans le sentiment que vous éprouvez d'une destinée commune, frères à travers cette foi mystérieuse qui vous rattache à la terre africaine, foi qui se transmet de génération en génération et que l'exil lui-même ne peut effacer.
Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, pour pleurer avec vous sur les malheurs de l'Afrique. Car l'Afrique n'a pas besoin de mes pleurs.
Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, pour m'apitoyer sur votre sort parce que votre sort est d'abord entre vos mains. Que feriez-vous, fière jeunesse africaine de ma pitié ?
Je ne suis pas venu effacer le passé car le passé ne s'efface pas.
Je ne suis pas venu nier les fautes ni les crimes car il y a eu des fautes et il y a eu des crimes.
Il y a eu la traite négrière, il y a eu l'esclavage, les hommes, les femmes, les enfants achetés et vendus comme des marchandises. Et ce crime ne fut pas seulement un crime contre les Africains, ce fut un crime contre l'homme, ce fut un crime contre l'humanité toute entière.
Et l'homme noir qui éternellement "entend de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit de l'un d'entre eux qu'on jette à la mer". Cet homme noir qui ne peut s'empêcher de se répéter sans fin " Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ". Cet homme noir, je veux le dire ici à Dakar, a le visage de tous les hommes du monde.
Cette souffrance de l'homme noir, je ne parle pas de l'homme au sens du sexe, je parle de l'homme au sens de l'être humain et bien sûr de la femme et de l'homme dans son acceptation générale. Cette souffrance de l'homme noir, c'est la souffrance de tous les hommes. Cette blessure ouverte dans l'âme de l'homme noir est une blessure ouverte dans l'âme de tous les hommes.
Mais nul ne peut demander aux générations d'aujourd'hui d'expier ce crime perpétré par les générations passées. Nul ne peut demander aux fils de se repentir des fautes de leurs pères.
Jeunes d'Afrique, je ne suis pas venu vous parler de repentance. Je suis venu vous dire que je ressens la traite et l'esclavage comme des crimes envers l'humanité. Je suis venu vous dire que votre déchirure et votre souffrance sont les nôtres et sont donc les miennes.
Je suis venu vous proposer de regarder ensemble, Africains et Français, au-delà de cette déchirure et au-delà de cette souffrance.
Je suis venu vous proposer, jeunes d'Afrique, non d'oublier cette déchirure et cette souffrance qui ne peuvent pas être oubliées, mais de les dépasser.
Je suis venu vous proposer, jeunes d'Afrique, non de ressasser ensemble le passé mais d'en tirer ensemble les leçons afin de regarder ensemble l'avenir.
Je suis venu, jeunes d'Afrique, regarder en face avec vous notre histoire commune.
L'Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur. On s'est entretué en Afrique au moins autant qu'en Europe. Mais il est vrai que jadis, les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances, les coutumes de vos pères. Ils ont dit à vos pères ce qu'ils devaient penser, ce qu'ils devaient croire, ce qu'ils devaient faire. Ils ont coupé vos pères de leur passé, ils leur ont arraché leur âme et leurs racines. Ils ont désenchanté l'Afrique.
Ils ont eu tort.
Ils n'ont pas vu la profondeur et la richesse de l'âme africaine. Ils ont cru qu'ils étaient supérieurs, qu'ils étaient plus avancés, qu'ils étaient le progrès, qu'ils étaient la civilisation.
Ils ont eu tort.
Ils ont voulu convertir l'homme africain, ils ont voulu le façonner à leur image, ils ont cru qu'ils avaient tous les droits, ils ont cru qu'ils étaient tout puissants, plus puissants que les dieux de l'Afrique, plus puissants que l'âme africaine, plus puissants que les liens sacrés que les hommes avaient tissés patiemment pendant des millénaires avec le ciel et la terre d'Afrique, plus puissants que les mystères qui venaient du fond des âges.
Ils ont eu tort.
Ils ont abîmé un art de vivre. Ils ont abîmé un imaginaire merveilleux. Ils ont abîmé une sagesse ancestrale.
Ils ont eu tort.
Ils ont créé une angoisse, un mal de vivre. Ils ont nourri la haine. Ils ont rendu plus difficile l'ouverture aux autres, l'échange, le partage parce que pour s'ouvrir, pour échanger, pour partager, il faut être assuré de son identité, de ses valeurs, de ses convictions. Face au colonisateur, le colonisé avait fini par ne plus avoir confiance en lui, par ne plus savoir qui il était, par se laisser gagner par la peur de l'autre, par la crainte de l'avenir.
Le colonisateur est venu, il a pris, il s'est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail.
Il a pris mais je veux dire avec respect qu'il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu fécondes des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir. Je veux le dire ici, tous les colons n'étaient pas des voleurs, tous les colons n'étaient pas des exploiteurs.
Il y avait parmi eux des hommes mauvais mais il y avait aussi des hommes de bonne volonté, des hommes qui croyaient remplir une mission civilisatrice, des hommes qui croyaient faire le bien. Ils se trompaient mais certains étaient sincères. Ils croyaient donner la liberté, ils créaient l'aliénation. Ils croyaient briser les chaînes de l'obscurantisme, de la superstition, de la servitude. Ils forgeaient des chaînes bien plus lourdes, ils imposaient une servitude plus pesante, car c'étaient les esprits, c'étaient les âmes qui étaient asservis. Ils croyaient donner l'amour sans voir qu'ils semaient la révolte et la haine.
La colonisation n'est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique. Elle n'est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n'est pas responsable des génocides. Elle n'est pas responsable des dictateurs. Elle n'est pas responsable du fanatisme. Elle n'est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n'est pas responsable des gaspillages et de la pollution.
Mais la colonisation fut une grande faute qui fut payée par l'amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait autant.
La colonisation fut une grande faute qui détruisit chez le colonisé l'estime de soi et fit naître dans son cœur cette haine de soi qui débouche toujours sur la haine des autres.
La colonisation fut une grande faute mais de cette grande faute est né l'embryon d'une destinée commune. Et cette idée me tient particulièrement à cœur.
La colonisation fut une faute qui a changé le destin de l'Europe et le destin de l'Afrique et qui les a mêlés. Et ce destin commun a été scellé par le sang des Africains qui sont venus mourir dans les guerres européennes.
Et la France n'oublie pas ce sang africain versé pour sa liberté.
Nul ne peut faire comme si rien n'était arrivé.
Nul ne peut faire comme si cette faute n'avait pas été commise.
Nul ne peut faire comme si cette histoire n'avait pas eu lieu.
Pour le meilleur comme pour le pire, la colonisation a transformé l'homme africain et l'homme européen.
Jeunes d'Afrique, vous êtes les héritiers des plus vieilles traditions africaines et vous êtes les héritiers de tout ce que l'Occident a déposé dans le cœur et dans l'âme de l'Afrique.
Jeunes d'Afrique, la civilisation européenne a eu tort de se croire supérieure à celle de vos ancêtres, mais désormais la civilisation européenne vous appartient aussi.
Jeunes d'Afrique, ne cédez pas à la tentation de la pureté parce qu'elle est une maladie, une maladie de l'intelligence, et qui est ce qu'il y a de plus dangereux au monde.
Jeunes d'Afrique, ne vous coupez pas de ce qui vous enrichit, ne vous amputez pas d'une part de vous-même. La pureté est un enfermement, la pureté est une intolérance. La pureté est un fantasme qui conduit au fanatisme.
Je veux vous dire, jeunes d'Afrique, que le drame de l'Afrique n'est pas dans une prétendue infériorité de son art, sa pensée, de sa culture. Car, pour ce qui est de l'art, de la pensée et de la culture, c'est l'Occident qui s'est mis à l'école de l'Afrique.
L'art moderne doit presque tout à l'Afrique. L'influence de l'Afrique a contribué à changer non seulement l'idée de la beauté, non seulement le sens du rythme, de la musique, de la danse, mais même dit Senghor, la manière de marcher ou de rire du monde du XXème siècle.
Je veux donc dire, à la jeunesse d'Afrique, que le drame de l'Afrique ne vient pas de ce que l'âme africaine serait imperméable à la logique et à la raison. Car l'homme africain est aussi logique et raisonnable que l'homme européen.
C'est en puisant dans l'imaginaire africain que vous ont légué vos ancêtres, c'est en puisant dans les contes, dans les proverbes, dans les mythologies, dans les rites, dans ces formes qui, depuis l'aube des temps, se transmettent et s'enrichissent de génération en génération que vous trouverez l'imagination et la force de vous inventer un avenir qui vous soit propre, un avenir singulier qui ne ressemblera à aucun autre, où vous vous sentirez enfin libres, libres, jeunes d'Afrique d'être vous-mêmes, libres de décider par vous-mêmes.
Je suis venu vous dire que vous n'avez pas à avoir honte des valeurs de la civilisation africaine, qu'elles ne vous tirent pas vers le bas mais vers le haut, qu'elles sont un antidote au matérialisme et à l'individualisme qui asservissent l'homme moderne, qu'elles sont le plus précieux des héritages face à la déshumanisation et à l'aplatissement du monde.
Je suis venu vous dire que l'homme moderne qui éprouve le besoin de se réconcilier avec la nature a beaucoup à apprendre de l'homme africain qui vit en symbiose avec la nature depuis des millénaires.
Je suis venu vous dire que cette déchirure entre ces deux parts de vous-mêmes est votre plus grande force, et votre plus grande faiblesse selon que vous vous efforcerez ou non d'en faire la synthèse.
Mais je suis aussi venu vous dire qu'il y a en vous, jeunes d'Afrique, deux héritages, deux sagesses, deux traditions qui se sont longtemps combattues : celle de l'Afrique et celle de l'Europe.
Je suis venu vous dire que cette part africaine et cette part européenne de vous-mêmes forment votre identité déchirée.
Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, vous donner des leçons.
Je ne suis pas venu vous faire la morale.
Mais je suis venu vous dire que la part d'Europe qui est en vous est le fruit d'un grand péché d'orgueil de l'Occident mais que cette part d'Europe en vous n'est pas indigne.
Car elle est l'appel de la liberté, de l'émancipation et de la justice et de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Car elle est l'appel à la raison et à la conscience universelles.
Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.
Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès.
Dans cet univers où la nature commande tout, l'homme échappe à l'angoisse de l'histoire qui tenaille l'homme moderne mais l'homme reste immobile au milieu d'un ordre immuable où tout semble être écrit d'avance.
Jamais l'homme ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin.
Le problème de l'Afrique et permettez à un ami de l'Afrique de le dire, il est là. Le défi de l'Afrique, c'est d'entrer davantage dans l'histoire. C'est de puiser en elle l'énergie, la force, l'envie, la volonté d'écouter et d'épouser sa propre histoire.
Le problème de l'Afrique, c'est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l'éternel retour, c'est de prendre conscience que l'âge d'or qu'elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu'il n'a jamais existé.
Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance.
Le problème de l'Afrique, c'est que trop souvent elle juge le présent par rapport à une pureté des origines totalement imaginaire et que personne ne peut espérer ressusciter.
Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de s'inventer un passé plus ou moins mythique pour s'aider à supporter le présent mais de s'inventer un avenir avec des moyens qui lui soient propres.
Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de se préparer au retour du malheur, comme si celui-ci devait indéfiniment se répéter, mais de vouloir se donner les moyens de conjurer le malheur, car l'Afrique a le droit au bonheur comme tous les autres continents du monde.
Le problème de l'Afrique, c'est de rester fidèle à elle-même sans rester immobile.
Le défi de l'Afrique, c'est d'apprendre à regarder son accession à l'universel non comme un reniement de ce qu'elle est mais comme un accomplissement.
Le défi de l'Afrique, c'est d'apprendre à se sentir l'héritière de tout ce qu'il y a d'universel dans toutes les civilisations humaines.
C'est de s'approprier les droits de l'homme, la démocratie, la liberté, l'égalité, la justice comme l'héritage commun de toutes les civilisations et de tous les hommes.
C'est de s'approprier la science et la technique modernes comme le produit de toute l'intelligence humaine.
Le défi de l'Afrique est celui de toutes les civilisations, de toutes les cultures, de tous les peuples qui veulent garder leur identité sans s'enfermer parce qu'ils savent que l'enfermement est mortel.
Les civilisations sont grandes à la mesure de leur participation au grand métissage de l'esprit humain.
La faiblesse de l'Afrique qui a connu sur son sol tant de civilisations brillantes, ce fut longtemps de ne pas participer assez à ce grand métissage. Elle a payé cher, l'Afrique, ce désengagement du monde qui l'a rendue si vulnérable. Mais, de ses malheurs, l'Afrique a tiré une force nouvelle en se métissant à son tour. Ce métissage, quelles que fussent les conditions douloureuses de son avènement, est la vraie force et la vraie chance de l'Afrique au moment où émerge la première civilisation mondiale.
La civilisation musulmane, la chrétienté, la colonisation, au-delà des crimes et des fautes qui furent commises en leur nom et qui ne sont pas excusables, ont ouvert les cœurs et les mentalités africaines à l'universel et à l'histoire.
Ne vous laissez pas, jeunes d'Afrique, voler votre avenir par ceux qui ne savent opposer à l'intolérance que l'intolérance, au racisme que le racisme.
Ne vous laissez pas, jeunes d'Afrique, voler votre avenir par ceux qui veulent vous exproprier d'une histoire qui vous appartient aussi parce qu'elle fut l'histoire douloureuse de vos parents, de vos grands-parents et de vos aïeux.
N'écoutez pas, jeunes d'Afrique, ceux qui veulent faire sortir l'Afrique de l'histoire au nom de la tradition parce qu'une Afrique ou plus rien ne changerait serait de nouveau condamnée à la servitude.
N'écoutez pas, jeunes d'Afrique, ceux qui veulent vous empêcher de prendre votre part dans l'aventure humaine, parce que sans vous, jeunes d'Afrique qui êtes la jeunesse du monde, l'aventure humaine sera moins belle.
N'écoutez pas jeunes d'Afrique, ceux qui veulent vous déraciner, vous priver de votre identité, faire table rase de tout ce qui est africain, de toute la mystique, la religiosité, la sensibilité, la mentalité africaine, parce que pour échanger il faut avoir quelque chose à donner, parce que pour parler aux autres, il faut avoir quelque chose à leur dire.
Ecoutez plutôt, jeunes d'Afrique, la grande voix du Président Senghor qui chercha toute sa vie à réconcilier les héritages et les cultures au croisement desquels les hasards et les tragédies de l'histoire avaient placé l'Afrique.
Il disait, lui l'enfant de Joal, qui avait été bercé par les rhapsodies des griots, il disait : " nous sommes des métis culturels, et si nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, que notre message s'adresse aussi aux Français et aux autres hommes ".
Il disait aussi : " le français nous a fait don de ses mots abstraits -si rares dans nos langues maternelles. Chez nous les mots sont naturellement nimbés d'un halo de sève et de sang ; les mots du français eux rayonnent de mille feux, comme des diamants. Des fusées qui éclairent notre nuit ".
Ainsi parlait Léopold Senghor qui fait honneur à tout ce que l'humanité comprend d'intelligence. Ce grand poète et ce grand Africain voulait que l'Afrique se mit à parler à toute l'humanité et lui écrivait en français des poèmes pour tous les hommes.
Ces poèmes étaient des chants qui parlaient, à tous les hommes, d'êtres fabuleux qui gardent des fontaines, chantent dans les rivières et qui se cachent dans les arbres.
Des poèmes qui leur faisaient entendre les voix des morts du village et des ancêtres.
Des poèmes qui faisaient traverser des forêts de symboles et remonter jusqu'aux sources de la mémoire ancestrale que chaque peuple garde au fond de sa conscience comme l'adulte garde au fond de la sienne le souvenir du bonheur de l'enfance.
Car chaque peuple a connu ce temps de l'éternel présent, où il cherchait non à dominer l'univers mais à vivre en harmonie avec l'univers. Temps de la sensation, de l'instinct, de l'intuition. Temps du mystère et de l'initiation. Temps mystique où le sacré était partout, où tout était signes et correspondances. C'est le temps des magiciens, des sorciers et des chamanes. Le temps de la parole qui était grande, parce qu'elle se respecte et se répète de génération en génération, et transmet, de siècle en siècle, des légendes aussi anciennes que les dieux.
L'Afrique a fait se ressouvenir à tous les peuples de la terre qu'ils avaient partagé la même enfance. L'Afrique en a réveillé les joies simples, les bonheurs éphémères et ce besoin, ce besoin auquel je crois moi-même tant, ce besoin de croire plutôt que de comprendre, ce besoin de ressentir plutôt que de raisonner, ce besoin d'être en harmonie plutôt que d'être en conquête.
Ceux qui jugent la culture africaine arriérée, ceux qui tiennent les Africains pour de grands enfants, tous ceux-là ont oublié que la Grèce antique qui nous a tant appris sur l'usage de la raison avait aussi ses sorciers, ses devins, ses cultes à mystères, ses sociétés secrètes, ses bois sacrés et sa mythologie qui venait du fond des âges et dans laquelle nous puisons encore, aujourd'hui, un inestimable trésor de sagesse humaine.
L'Afrique qui a aussi ses grands poèmes dramatiques et ses légendes tragiques, en écoutant Sophocle, a entendu une voix plus familière qu'elle ne l'aurait crû et l'Occident a reconnu dans l'art africain des formes de beauté qui avaient jadis été les siennes et qu'il éprouvait le besoin de ressusciter.
Alors entendez, jeunes d'Afrique, combien Rimbaud est africain quand il met des couleurs sur les voyelles comme tes ancêtres en mettaient sur leurs masques, "masque noir, masque rouge, masque blanc–et-noir".
Ouvrez les yeux, jeunes d'Afrique, et ne regardez plus, comme l'ont fait trop souvent vos aînés, la civilisation mondiale comme une menace pour votre identité mais la civilisation mondiale comme quelque chose qui vous appartient aussi.
Dès lors que vous reconnaîtrez dans la sagesse universelle une part de la sagesse que vous tenez de vos pères et que vous aurez la volonté de la faire fructifier, alors commencera ce que j'appelle de mes vœux, la Renaissance africaine.
Dès lors que vous proclamerez que l'homme africain n'est pas voué à un destin qui serait fatalement tragique et que, partout en Afrique, il ne saurait y avoir d'autre but que le bonheur, alors commencera la Renaissance africaine.
Dès lors que vous, jeunes d'Afrique, vous déclarerez qu'il ne saurait y avoir d'autres finalités pour une politique africaine que l'unité de l'Afrique et l'unité du genre humain, alors commencera la Renaissance africaine.
Dès lors que vous regarderez bien en face la réalité de l'Afrique et que vous la prendrez à bras le corps, alors commencera la Renaissance africaine. Car le problème de l'Afrique, c'est qu'elle est devenue un mythe que chacun reconstruit pour les besoins de sa cause.
Et ce mythe empêche de regarder en face la réalité de l'Afrique.
La réalité de l'Afrique, c'est une démographie trop forte pour une croissance économique trop faible.
La réalité de l'Afrique, c'est encore trop de famine, trop de misère.
La réalité de l'Afrique, c'est la rareté qui suscite la violence.
La réalité de l'Afrique, c'est le développement qui ne va pas assez vite, c'est l'agriculture qui ne produit pas assez, c'est le manque de routes, c'est le manque d'écoles, c'est le manque d'hôpitaux.
La réalité de l'Afrique, c'est un grand gaspillage d'énergie, de courage, de talents, d'intelligence.
La réalité de l'Afrique, c'est celle d'un grand continent qui a tout pour réussir et qui ne réussit pas parce qu'il n'arrive pas à se libérer de ses mythes.
La Renaissance dont l'Afrique a besoin, vous seuls, Jeunes d'Afrique, vous pouvez l'accomplir parce que vous seuls en aurez la force.
Cette Renaissance, je suis venu vous la proposer. Je suis venu vous la proposer pour que nous l'accomplissions ensemble parce que de la Renaissance de l'Afrique dépend pour une large part la Renaissance de l'Europe et la Renaissance du monde.
Je sais l'envie de partir qu'éprouvent un si grand nombre d'entre vous confrontés aux difficultés de l'Afrique.
Je sais la tentation de l'exil qui pousse tant de jeunes Africains à aller chercher ailleurs ce qu'ils ne trouvent pas ici pour faire vivre leur famille.
Je sais ce qu'il faut de volonté, ce qu'il faut de courage pour tenter cette aventure, pour quitter sa patrie, la terre où l'on est né, où l'on a grandi, pour laisser derrière soi les lieux familiers où l'on a été heureux, l'amour d'une mère, d'un père ou d'un frère et cette solidarité, cette chaleur, cet esprit communautaire qui sont si forts en Afrique.
Je sais ce qu'il faut de force d'âme pour affronter le dépaysement, l'éloignement, la solitude.
Je sais ce que la plupart d'entre eux doivent affronter comme épreuves, comme difficultés, comme risques.
Je sais qu'ils iront parfois jusqu'à risquer leur vie pour aller jusqu'au bout de ce qu'ils croient être leur rêve.
Mais je sais que rien ne les retiendra.
Car rien ne retient jamais la jeunesse quand elle se croit portée par ses rêves.
Je ne crois pas que la jeunesse africaine ne soit poussée à partir que pour fuir la misère.
Je crois que la jeunesse africaine s'en va parce que, comme toutes les jeunesses, elle veut conquérir le monde.
Comme toutes les jeunesses, elle a le goût de l'aventure et du grand large.
Elle veut aller voir comment on vit, comment on pense, comment on travaille, comment on étudie ailleurs.
L'Afrique n'accomplira pas sa Renaissance en coupant les ailes de sa jeunesse. Mais l'Afrique a besoin de sa jeunesse.
La Renaissance de l'Afrique commencera en apprenant à la jeunesse africaine à vivre avec le monde, non à le refuser.
La jeunesse africaine doit avoir le sentiment que le monde lui appartient comme à toutes les jeunesses de la terre.
La jeunesse africaine doit avoir le sentiment que tout deviendra possible comme tout semblait possible aux hommes de la Renaissance.
Alors, je sais bien que la jeunesse africaine, ne doit pas être la seule jeunesse du monde assignée à résidence. Elle ne peut pas être la seule jeunesse du monde qui n'a le choix qu'entre la clandestinité et le repliement sur soi.
Elle doit pouvoir acquérir, hors d'Afrique la compétence et le savoir qu'elle ne trouverait pas chez elle.
Mais elle doit aussi à la terre africaine de mettre à son service les talents qu'elle aura développés. Il faut revenir bâtir l'Afrique ; il faut lui apporter le savoir, la compétence le dynamisme de ses cadres. Il faut mettre un terme au pillage des élites africaines dont l'Afrique a besoin pour se développer.
Ce que veut la jeunesse africaine c'est de ne pas être à la merci des passeurs sans scrupules qui jouent avec votre vie.
Ce que veut la jeunesse d'Afrique, c'est que sa dignité soit préservée.
C'est pouvoir faire des études, c'est pouvoir travailler, c'est pouvoir vivre décemment. C'est au fond, ce que veut toute l'Afrique. L'Afrique ne veut pas de la charité. L'Afrique ne veut pas d'aide. L'Afrique ne veut pas de passe-droit.
Ce que veut l'Afrique et ce qu'il faut lui donner, c'est la solidarité, la compréhension et le respect.
Ce que veut l'Afrique, ce n'est pas que l'on prenne son avenir en main, ce n'est pas que l'on pense à sa place, ce n'est pas que l'on décide à sa place.
Ce que veut l'Afrique est ce que veut la France, c'est la coopération, c'est l'association, c'est le partenariat entre des nations égales en droits et en devoirs.
Jeunesse africaine, vous voulez la démocratie, vous voulez la liberté, vous voulez la justice, vous voulez le Droit ? C'est à vous d'en décider. La France ne décidera pas à votre place. Mais si vous choisissez la démocratie, la liberté, la justice et le Droit, alors la France s'associera à vous pour les construire.
Jeunes d'Afrique, la mondialisation telle qu'elle se fait ne vous plaît pas. L'Afrique a payé trop cher le mirage du collectivisme et du progressisme pour céder à celui du laisser-faire.
Jeunes d'Afrique vous croyez que le libre échange est bénéfique mais que ce n'est pas une religion. Vous croyez que la concurrence est un moyen mais que ce n'est pas une fin en soi. Vous ne croyez pas au laisser-faire. Vous savez qu'à être trop naïve, l'Afrique serait condamnée à devenir la proie des prédateurs du monde entier. Et cela vous ne le voulez pas. Vous voulez une autre mondialisation, avec plus d'humanité, avec plus de justice, avec plus de règles.
Je suis venu vous dire que la France la veut aussi. Elle veut se battre avec l'Europe, elle veut se battre avec l'Afrique, elle veut se battre avec tous ceux, qui dans le monde, veulent changer la mondialisation. Si l'Afrique, la France et l'Europe le veulent ensemble, alors nous réussirons. Mais nous ne pouvons pas exprimer une volonté à votre place.
Jeunes d'Afrique, vous voulez le développement, vous voulez la croissance, vous voulez la hausse du niveau de vie.
Mais le voulez-vous vraiment ? Voulez-vous que cessent l'arbitraire, la corruption, la violence ? Voulez-vous que la propriété soit respectée, que l'argent soit investi au lieu d'être détourné ? Voulez-vous que l'État se remette à faire son métier, qu'il soit allégé des bureaucraties qui l'étouffent, qu'il soit libéré du parasitisme, du clientélisme, que son autorité soit restaurée, qu'il domine les féodalités, qu'il domine les corporatismes ? Voulez-vous que partout règne l'État de droit qui permet à chacun de savoir raisonnablement ce qu'il peut attendre des autres ?
Si vous le voulez, alors la France sera à vos côtés pour l'exiger, mais personne ne le voudra à votre place.
Voulez-vous qu'il n'y ait plus de famine sur la terre africaine ? Voulez-vous que, sur la terre africaine, il n'y ait plus jamais un seul enfant qui meure de faim ? Alors cherchez l'autosuffisance alimentaire. Alors développez les cultures vivrières. L'Afrique a d'abord besoin de produire pour se nourrir. Si c'est ce que vous voulez, jeunes d'Afrique, vous tenez entre vos mains l'avenir de l'Afrique, et la France travaillera avec vous pour bâtir cet avenir.
Vous voulez lutter contre la pollution ? Vous voulez que le développement soit durable ? Vous voulez que les générations actuelles ne vivent plus au détriment des générations futures ? Vous voulez que chacun paye le véritable coût de ce qu'il consomme ? Vous voulez développer les technologies propres ? C'est à vous de le décider. Mais si vous le décidez, la France sera à vos côtés.
Vous voulez la paix sur le continent africain ? Vous voulez la sécurité collective ? Vous voulez le règlement pacifique des conflits ? Vous voulez mettre fin au cycle infernal de la vengeance et de la haine ? C'est à vous, mes amis africains, de le décider . Et si vous le décidez, la France sera à vos côtés, comme une amie indéfectible, mais la France ne peut pas vouloir à la place de la jeunesse d'Afrique.
Vous voulez l'unité africaine ? La France le souhaite aussi.
Parce que la France souhaite l'unité de l'Afrique, car l'unité de l'Afrique rendra l'Afrique aux Africains.
Ce que veut faire la France avec l'Afrique, c'est regarder en face les réalités. C'est faire la politique des réalités et non plus la politique des mythes.
Ce que la France veut faire avec l'Afrique, c'est le co-développement, c'est-à-dire le développement partagé.
La France veut avec l'Afrique des projets communs, des pôles de compétitivité communs, des universités communes, des laboratoires communs.
Ce que la France veut faire avec l'Afrique, c'est élaborer une stratégie commune dans la mondialisation.
Ce que la France veut faire avec l'Afrique, c'est une politique d'immigration négociée ensemble, décidée ensemble pour que la jeunesse africaine puisse être accueillie en France et dans toute l'Europe avec dignité et avec respect.
Ce que la France veut faire avec l'Afrique, c'est une alliance de la jeunesse française et de la jeunesse africaine pour que le monde de demain soit un monde meilleur.
Ce que veut faire la France avec l'Afrique, c'est préparer l'avènement de l'Eurafrique, ce grand destin commun qui attend l'Europe et l'Afrique.
A ceux qui, en Afrique, regardent avec méfiance ce grand projet de l'Union Méditerranéenne que la France a proposé à tous les pays riverains de la Méditerranée, je veux dire que, dans l'esprit de la France, il ne s'agit nullement de mettre à l'écart l'Afrique, qui s'étend au sud du Sahara mais, qu'au contraire, il s'agit de faire de cette Union le pivot de l'Eurafrique, la première étape du plus grand rêve de paix et de prospérité qu'Européens et Africains sont capables de concevoir ensemble.
Alors, mes chers Amis, alors seulement, l'enfant noir de Camara Laye, à genoux dans le silence de la nuit africaine, saura et comprendra qu'il peut lever la tête et regarder avec confiance l'avenir. Et cet enfant noir de Camara Laye, il sentira réconciliées en lui les deux parts de lui-même. Et il se sentira enfin un homme comme tous les autres hommes de l'humanité.
Je vous remercie.
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Mesdames et Messieurs,
Je vous demande d'excuser mon grand retard qui est dû au fait qu'il y a un grand appétit de paroles, ce que je comprends parfaitement, et donc quand on discute c'est normal, on accumule beaucoup de retard.
Madame le Garde des Sceaux,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire de Grenoble,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Grenoble vient de connaître une flambée de violence sans précédent, qui a profondément choqué nos concitoyens. Les actes qui ont été commis ici, je n'irai pas par quatre chemins, je les qualifierai d'une extrême gravité et ils méritent une condamnation sans réserve. Les forces de l'ordre ont été prises à partie par des assaillants qui se sont permis de leur tirer dessus à balles réelles avec l'intention de tuer. Ce sont des tentatives de meurtre, tous les moyens seront mis en œuvre pour que les auteurs soient retrouvés et châtiés. Et je le dis aux Français, nous les retrouverons tous. Des policiers de la BAC de Grenoble ont fait l'objet de menaces de mort. C'est inacceptable. Je veux les assurer de notre soutien, de ma confiance, de ma reconnaissance et leur dire que nous n'aurons aucune complaisance, aucune faiblesse vis-à-vis des délinquants et des criminels qui seront mis hors d'état de nuire et dont la seule place est en prison. Une enquête est engagée pour trouver ceux qui sont à l'origine de ces menaces, tous seront retrouvés et déférés devant la justice, je ne peux naturellement pas en dire plus mais vous verrez que les résultats ne vont pas tarder.
L'homme qui est tombé sous le tir d'un policier venait de commettre un braquage. Non content d'avoir commis un braquage, il a ouvert le feu avec une arme automatique, une arme de guerre, contre les policiers. Ceux-ci ont riposté en état de légitime défense. En tant que chef de l'État, je veux dire que les policiers n'ont fait que leur devoir. Les policiers ont fait leur devoir et j'appelle chacun à ne pas confondre les délinquants, les victimes et les forces de l'ordre. Les policiers ont bien agi, il n'y a rien à leur reprocher. Il y a à les soutenir totalement. Si on ne veut pas d'ennui avec la police, on ne tire pas à l'arme de guerre sur la police dans un pays qui est un Etat de droit comme la France. La réponse policière et judiciaire a été ferme : 26 placements en garde à vue, 11 comparutions immédiates, 5 personnes écrouées et 10 convoquées devant un juge.
Les violences qui ont frappé la ville de Grenoble sont le fait d'une petite minorité, certes d'une minorité qui a voulu marquer son allégeance envers les truands. C'est trop facile de dire qu'il y a d'un côté la grande délinquance et de l'autre la petite délinquance. En l'occurrence la petite délinquance a été instrumentalisée par la grande délinquance. Nous ne laisserons pas des caïds s'installer dans les quartiers de Grenoble, devenus à la fois leurs proies et leurs repaires. Parce que ces deux individus, une fois le braquage commis, sont revenus à dessein dans ce quartier, espérant bénéficier de l'impunité du quartier.
C'est donc une guerre que nous avons décidé d'engager contre les trafiquants et les délinquants. Comme nous l'avons fait en Seine-Saint-Denis, nous avons décidé de nous occuper particulièrement de certains territoires qui ont besoin d'une action ciblée pour que les conditions de l'ordre républicain y soient rétablies. Tel est le cas de cette ville et de ce département, il n'y a aucune volonté de stigmatisation. Tous les élus sont concernés, ce n'est pas une affaire d'opposition, de majorité, de gauche ou de droite, c'est une affaire d'intérêt général. Qui peut bien avoir intérêt à ce qu'on tolère, qu'on tire à l'arme automatique contre des fonctionnaires de police, personne.
Avec le Ministre de l'intérieur, nous avons donc décidé la nomination d'un nouveau préfet, Eric Le Douaron.
Éric Le Douaron a une longue expérience, il a exercé les plus hautes responsabilités dans le domaine de la sécurité. Cet homme a toute ma confiance et comme à Christian Lambert, je lui demande de restaurer l'autorité de l'État, sans faiblesse, partout où elle sera mise en cause. Éric Le Douaron : aucune cité, aucune rue, aucune cage d'escalier, aucune barre d'immeubles ne doit échapper dans ce département et dans cette ville à l'ordre républicain. C'est votre devoir.
Alors il y a eu un grand débat pour savoir si un policier pouvait être préfet. Quand on est policier, on a le sens de l'État et le préfet représente l'État. Et je n'ai pas à choisir avec le Ministre de l'intérieur les préfets uniquement en fonction de leur rang de sortie dans une grande école de la République mais en fonction de leur expérience, de leur connaissance, de leur capacité humaine et de leur envie de travailler. Et je le dis aux élus, qui ont déjà eu un contact avec Éric Le Douaron, vous vous féliciterez d'avoir un préfet de cette qualité. Cela ne veut pas dire qu'il convient de condamner l'action de son prédécesseur qui est un homme de qualité. Simplement face à certaines situations, il est de mon devoir de trouver la meilleure personne à la meilleure place. Éric Le Douaron, comme Christian Lambert, sera cette personne.
Par ailleurs, je vous annonce que notre volonté de déloger les trafiquants de leurs repaires, va nous amener à créer à Grenoble et dans l'Isère un GIR départemental qui pourra porter l'effort d'investigation judiciaire au plus près des besoins du terrain. Depuis 3 jours, un inspecteur du fisc est installé dans les services de police et nous allons nous intéresser au patrimoine des délinquants à Grenoble comme dans l'Isère de façon extrêmement approfondie, extrêmement approfondie.
Alors j'entends bien le discours qui parfois est tenu et je n'en veux à personne. Mais je voudrais que vous me compreniez. Si devant des évènements de cette gravité, je n'étais pas venu, on m'aurait à juste titre, à juste titre, reproché de ne pas avoir pris la mesure de la gravité du problème. Je viens, on me dit : il ne faut pas stigmatiser. Il faut savoir. Bien sûr qu'il y a des choses formidables à Grenoble et dans l'Isère qui pourrait le contester. Et j'ai été suffisamment à Crolles, le Président Vallini le sait bien, pour dire combien je me félicite de l'imagination de la population de ce département et de cette ville qui a accueilli il y a quelques années des Jeux Olympiques qui font date et qui a tellement de chercheurs, d'étudiants, de personnes de qualité. Mais en même temps, je dois voir la réalité telle qu'elle est, ce qui s'est passé n'est pas acceptable. Je vous le dis pas un seul policier ne s'en ira. Ce sont les délinquants qui reculeront.
J'ajoute que l'on m'a proposé, je l'ai vu, un « Grenelle de la sécurité » « des états généraux de la sécurité » Pourquoi pas ? Mais réfléchissez, si j'étais venu ici pour vous dire : on a tiré à balle réelle sur des policiers, j'organise un colloque, qui m'aurait pris au sérieux. Ce n'est pas un problème social, ce qui s'est passé, c'est un problème de truands, ce sont des valeurs qui sont en train de disparaître. Il faut marquer un coup d'arrêt. Alors je sais que dans le cadre du débat républicain, il peut y avoir des échanges entre les forces politiques, ce qui est normal. Mais qui peut penser que ce sont quelques îlotiers supplémentaires qui permettront d'éradiquer les caïds, les trafiquants et les trafics. Nous avons besoin de nous rassembler pour montrer à cette minorité qu'elle n'a aucun espoir et que nous allons agir. Et il ne peut pas y avoir de naïveté et d'angélisme en la matière.
Je souhaite d'ailleurs qu'au-delà des divergences entre nous, nous nous rassemblions, la vidéosurveillance, la vidéo-protection. On en a besoin. Il n'y a pas les caméras de gauche et les caméras de droite. Il y a le fait que les délinquants grands ou petits craignent par-dessus tout d'être pris dans les images parce que ce sont des preuves judiciaires. Et par ailleurs, c'est la meilleure façon de protéger la police et la gendarmerie de toute polémique.
Je souhaite d'ailleurs qu'on tente dans ce département une expérience en dotant un certain nombre de véhicules de police et de gendarmerie de nuit, de caméras embarquées. Il ne s'agit pas du tout d'interférer dans la vie privée des habitants de Grenoble ou du département de l'Isère. Il s'agit que nous soyons le plus efficace possible. 60 000 caméras seront installées d'ici 2012. Je laisserai ceux qui le veulent crier à l'atteinte aux libertés individuelles. Moi je pense que la liberté individuelle est gravement atteinte lorsque que les voyous font régner la terreur devant des immeubles d'habitation.
La loi anti-bandes adoptée par le Parlement en mars dernier prévoit une peine d'un an de prison pour quiconque appartient à une bande violente. Des procédures sont en cours, et je demande à votre préfet d'être particulièrement attentif avec Madame le Procureur Général et Monsieur le Procureur de la République, que je remercie de leur présence, pour l'utilisation de cette nouvelle loi.
Nous allons aussi développer les « polices d'agglomération ». C'est le cas depuis l'an dernier en région parisienne. Lille, Lyon, Marseille seront bientôt concernées pour une raison simple et vous le savez bien, les délinquants ignorent les frontières administratives de nos communes, de nos départements et même de nos régions.
Depuis 2002, je suis en première ligne dans la lutte contre l'insécurité. Le nombre des crimes et délits a diminué de 17,54%. Parallèlement, le « taux d'élucidation », qui reflète l'efficacité des forces de l'ordre, a augmenté d'un tiers. En 2001, les forces de police et de gendarmerie trouvaient 25% des coupables, en 2010 ils trouvent 38% des coupables. J'ai fixé au ministre un objectif de 40%.
Par ailleurs, je vous annonce que dès le 7 septembre prochain, les peines planchers qui fonctionnent bien mais qui ne s'appliquent aux multirécidivistes, 24 000 peines planchers ont été prononcées, seront désormais étendues à toutes les formes de violences aggravées, c'est-à-dire notamment les violences sur des personnes dépositaires d'une autorité publique.
L'instauration d'une peine de prison incompressible de 30 ans pour les assassins de policiers ou de gendarmes sera également discutée au Parlement dès la rentrée. Et là je veux que les choses soient claires en tant que chef de l'État, mon devoir est de travailler avec tout le monde. Je n'ai pas à voir si Grenoble est une ville qui a choisi un maire de gauche ou un maire de droite. Je dois travailler avec les élus, comme les élus doivent travailler avec le chef de l'État. Mais chacun d'entre nous, nous serons mis face à nos responsabilités. Sur une peine incompressible de 30 ans, je demanderai au Parlement d'en débattre. Et je demanderai à chacun de faire abstraction de ses appartenances partisanes pour voter des textes non pas en fonction du ministre qui le présente mais de l'utilité de ce texte. Les policiers nous regardent, les gendarmes nous regardent, la population nous regarde. Les postures politiciennes d'un côté comme de l'autre ne sont pas à la hauteur de la situation. Il ne s'agit pas de savoir ce que pensera tel ou tel parti, c'est son droit, il s'agit de savoir ce qu'il faut faire face à cette situation.
Je vous demanderai également, je le dis aux parlementaires, de débattre du champ d'application du bracelet électronique. Je souhaite notamment que les magistrats puissent condamner automatiquement les multirécidivistes au port du bracelet électronique pendant quelques années après l'exécution de leur peine. Je parle des multirécidivistes. Je faisais le point avec le ministre de l'Intérieur : imaginez que nous avons 19 000 délinquants en France qui sont plus de 50 fois mis en cause dans nos fichiers. Est-ce que l'on va continuer à les amener de tribunaux à tribunaux ?
De même nous allons réévaluer les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française. Je prends mes responsabilités. La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique. La nationalité française se mérite et il faut pouvoir s'en montrer digne. Quand on tire sur un agent chargé des forces de l'ordre on n'est plus digne d'être français. Je souhaite également que l'acquisition de la nationalité française par un mineur délinquant au moment de sa majorité ne soit plus automatique.
Au fond, la principale cause de la violence, Mesdames et Messieurs, c'est la permissivité et c'est la démission. J'ai demandé à Michèle Alliot-Marie de préparer une réforme profonde du droit pénal applicable aux mineurs et je souhaite que nous examinions sans tabou toutes les pistes envisageables. Je n'ai pas la vérité. Mais convenons que l'ordonnance de 1945 n'est plus adaptée aux mineurs d'aujourd'hui. Ou est-ce que l'on doit considérer que ce texte, qui a plus de 60 ans, ne peut pas être touché, ne peut pas évoluer. Là aussi, ce n'est pas une question partisane, une question de réflexion.
La délinquance actuelle ne provient pas d'un mal être comme je l'entends dire trop souvent : elle résulte d'un mépris pour les valeurs fondamentales de notre société. La question de la responsabilité des parents est clairement posée. Je souhaite que la responsabilité des parents soit mise en cause lorsque des mineurs commettent des infractions. Les parents manifestement négligents pourront voir leur responsabilité engagée sur le plan pénal. Quand je regarde les rapports de police, et je vois qu'un mineur de 12 ans ou de 13 ans, à une heure du matin, dans le quartier d'une ville lance des cocktails Molotov sur un bus qui passe, n'y a-t-il pas un problème de responsabilités des parents ? Il ne s'agit pas de sanctionner. Il s'agit de faire réagir. De même la question des allocations familiales. Quand une famille ne signale pas que son enfant ne va plus à l'école. Est-ce que cette famille peut continuer à aller au bureau de la Caisse d'Allocations Familiales pour percevoir les allocations, comme s'il ne s'était rien passé ?
Je comprends parfaitement que telle ou telle mère de famille, notamment dans les familles monoparentales, soit dépassée. C'est si difficile d'élever des enfants. Mais je ne comprends pas qu'on ne le signale pas au chef d'établissement. Et quand la famille réagira, les allocations familiales qui ne lui auront pas été versées lui seront reversées quand l'enfant ira de nouveau à l'école.
J'ajoute que nous ne pouvons pas non plus tolérer le comportement de certains jeunes qui empêchent les autres d'étudier. Nous allons donc ouvrir à la rentrée prochaine une vingtaine d'établissements que j'appelle de réinsertion scolaire, qui disposeront d'un encadrement renforcé et adapté. Je souhaite avec les élus du département en en discutant que l'on puisse en ouvrir un à Grenoble ou dans l'Isère dans les meilleurs délais.
Il s'agit, vous savez, de ces jeunes collégiens qui ont été déjà renvoyés deux ou trois fois des autres établissements, que l'on se repasse d'établissement en établissement parce que l'on ne sait plus quoi en faire. Et qui empêchent les autres d'étudier et de vivre tranquillement. Ce n'est pas non plus une question de droite ou de gauche, mais une question de bons sens. Qu'est-ce que l'on en fait et comment on réagit ? La menace de l'exclusion est une plaisanterie face à des collégiens ou des lycéens qui, de toute manière, ne vont plus à l'école.
Nous devons nous poser les questions sans tabou, sans excès c'est vrai, sans stigmatisation, sans amalgame c'est vrai. Mais sans faiblesse non plus. Ce qu'attendent de nous les Français ce n'est pas que nous nous réfugions derrière une posture : « A moi le grand cœur, ou à moi le grand bâton ». Non, il ne s'agit pas d'opposer ceux qui ont un cœur et ceux qui sont fermes. Il s'agit d'être à la hauteur des responsabilités que nous ont confiées les Français, qu'elles soient locales, départementales, régionales ou nationales. Et de nous hisser au niveau de ces responsabilités. Le monde change. Beaucoup de nos jeunes ont changé. Des valeurs ont été détruites, il nous faut proposer des réponses adaptées à la situation. Et ne pas décliner comme les autres un catéchisme qui serait frappé par la plus grande inefficacité.
J'ajoute que beaucoup de jeunes qui sortent de l'école à 16 ans n'ont aucune qualification et disparaissent totalement de la situation. Chacun d'entre eux, nous leur proposerons une formation ou un travail jusqu'à leur majorité, parce qu'on ne peut plus laisser les décrocheurs sortir de nos systèmes comme cela. On me dit « vous allez faire un fichier » ? Oui. Mais si on ne fait pas le fichier, les jeunes qui sortent de l'école à 16 ans et qui disparaissent jusqu'à 18 ans, vous croyez que ça leur fait du bien de rester comme ça pendant 2 ans ? Sans rien. Il ne peut pas y avoir un seul de ces décrocheurs sans qu'il n'y ait une réponse adaptée.
Enfin, il faut le reconnaître, je me dois de le dire, nous subissons les conséquences de 50 années d'immigration insuffisamment régulée qui ont abouti à un échec de l'intégration. Nous sommes si fiers de notre système d'intégration. Peut-être faut-il se réveiller ? Pour voir ce qu'il a produit. Il a marché. Il ne marche plus. Je ne me suis jamais laissé intimider par la pensée unique. Il est quand même invraisemblable que des jeunes gens de la deuxième, voire de la troisième génération, se sentent moins Français que leurs parents ou leurs grands-parents. Tous ici vous pourriez en porter témoignage. Tous. Tous vous avez des exemples. Pourquoi ne le dit-on pas ? On a peur ? Moi ce n'est pas de faire le constat qui me fait peur, c'est la réalité. Nous n'avons pas le droit à la complaisance en la matière.
Pour réussir ce processus d'intégration, il faut impérativement maîtriser le flux migratoire. Avec un taux de chômage des étrangers non communautaires qui a atteint 24% en 2009.
Je ne reprendrai pas la célèbre phrase de Michel ROCARD dans laquelle je me retrouve : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde ». Je dis simplement, c'est un constat lucide.
Nous allons donc évaluer les droits et les prestations auxquelles ont aujourd'hui accès les étrangers en situation irrégulière. Je ne parle pas des étrangers en régulière qui ont naturellement le droit à des prestations, ça serait un comble qu'il en soit autrement ! Je parle des étrangers en situation irrégulière. Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes. Une situation irrégulière ne peut conférer plus de droits qu'une situation régulière et légale ! Là aussi, ce n'est pas une affaire de majorité, de gauche ou de droite, de président de la République ou de maire.
Je demande à Eric le Douaron, qui connaît bien le sujet en tant qu'ancien directeur de la PAF, de faire preuve d'une fermeté absolue dans la lutte contre l'immigration illégale. La règle générale est claire : les clandestins doivent être reconduits dans leur pays.
Et c'est dans cet esprit d'ailleurs que j'ai demandé au ministre de l'Intérieur de mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms. Ce sont des zones de non-droit qu'on ne peut pas tolérer en France. Il ne s'agit pas de stigmatiser les Roms, en aucun cas. Nous avons fait depuis la loi Besson de grands progrès pour les aires mises à leur disposition. Lorsque je suis devenu ministre de l'Intérieur en 2002, moins de 20% des aires de stationnement étaient prévues. J'ai fait le point avec le ministre. Aujourd'hui plus de 60% des aires de stationnement légales sont prévues. Les Roms qui viendraient en France pour s'installer sur des emplacements légaux sont les bienvenus. Mais en tant que chef de l'Etat, puis-je accepter qu'il y ait 539 campements illégaux en 2010 en France ? Qui peut l'accepter ? J'ai vu que tel ou tel responsable politique disait : « mais pourquoi vous vous occupez de cela, le problème ne se pose pas ». Il ne se pose pas pour un responsable politique dont le domicile ne se trouve pas à côté d'un campement. Peut-être son opinion serait-elle différente s'il était lui-même concerné ?
Nous allons procéder d'ici fin septembre au démantèlement de l'ensemble des camps qui font l'objet d'une décision de justice. Là où cette décision de justice n'a pas encore été prise, nous engagerons des démarches pour qu'elle intervienne le plus rapidement possible. Dans les trois mois, la moitié de ces implantations sauvages auront disparu du territoire français.
Je souhaite également que dès l'automne prochain, nous réformions la loi applicable à ce type de situations. La décision d'évacuer les campements sera prise sous la seule responsabilité des préfets et leur destruction interviendra par référé du tribunal de grande instance, dans un délai bref. Nos compatriotes attendent que nous assumions nos responsabilités.
Parallèlement, je souhaite que nous engagions une importante réforme pour améliorer la lutte contre l'immigration irrégulière. Chaque année, une dizaine de milliers de migrants en situation irrégulière, dont des Roms, repartent volontairement avec une aide de l'Etat. Et l'année suivante, après avoir quitté le territoire avec une aide de l'Etat, ils reviennent en toute illégalité pour demander une autre aide de l'Etat pour repartir. Cela s'appelle « un abus du droit à la libre circulation ».
Enfin, la politique de la ville. Nous lui consacrons 15 milliards d'euros depuis 2005. Ce sont des moyens considérables apportés par l'Etat. Y compris en Isère. Mais nous sommes en droit d'attendre en échange le respect d'un certain nombre de règles.
Les moyens ne sont pas tout. Il faut d'ailleurs que nous posions ensemble, élus comme ministres et président, le problème de l'attribution à certains quartiers. Ces aides doivent être attribuées aux quartiers qui en ont le plus besoin. Aujourd'hui, tous les quartiers les demandent. Il faut bien reconnaître les choses, le zonage géographique n'est plus adapté à la situation.
Autre chose, il n'y a pas d'évaluation. On refait des quartiers, on refait des immeubles mais si on y met les mêmes personnes dans les mêmes conditions, qu'est-ce qu'on va changer ? Je ne remets pas en cause la politique de la ville, qui est un progrès. Et nous allons continuer. Mais nos compatriotes, qui payent pour cette politique de la ville, sont en droit d'attendre de nous autre chose. Et je le dis parce que ce qui se passe dans ces quartiers est extraordinaire. Il y a des gens qui ne demandent qu'à s'en sortir. Il y a des résultats considérables. Et tout ceci peut être mis par terre parce qu'une minorité met la pagaille sous le regard des médias qui font leur travail, attachés qu'ils sont au spectaculaire. Et c'est ainsi des années de travail de militants associatifs, d'élus locaux, de gouvernements qui se trouvent réduites à néant et on est parti pour la stigmatisation. J'appelle à ce que nous repensions nos procédures. L'évaluation n'est pas un gros mot. Et puis par ailleurs, réfléchissons à la diversité sociale aussi. Parce que si on met toujours les mêmes dans les mêmes quartiers, ne nous plaignons pas ensuite qu'ils deviennent des ghettos. Des quartiers, y compris de la ville de Grenoble, étaient il y a quelques années des quartiers où il y avait une diversité. Diversité sociale et diversité d'origine. Il est certains collèges, j'en parlais avec le président, où malgré les efforts que vous faites tous, il n'y a plus une famille qui veut mettre ses enfants. Ca ne fait pas bien de le dire et pourtant c'est la vérité. Pourquoi ? Parce qu'on ferme les yeux. Et parce qu'on ne remet pas en cause. Alors évidemment à moi on me dit : « des policiers supplémentaires ! » On en mettra à Grenoble et dans l'Isère. Mais ce n'est pas tout. Des moyens supplémentaires bien sûr mais l'Etat ça ne peut pas être donner toujours plus et attendre toujours moins. La société ne peut pas fonctionner comme ça. Vos propres familles ne fonctionnent pas comme ça. Dans notre vie professionnelle ou personnelle, on ne fonctionne pas comme ça. Les événements que Grenoble vient de connaître et leur gravité imposent de notre part une réponse ferme mais c'est peut-être une opportunité de sortir de la pensée unique sur la politique de la ville, sur la politique de l'immigration et sur la politique de la sécurité.
Grenoble ne mérite pas l'image qui en a été donnée la semaine dernière. L'Isère pas davantage. On n'a pas le droit de gâcher nos atouts par la faute d'une poignée de délinquants. Et je voudrais vous dire en terminant que nous sommes décidés à travailler avec tous ceux qui de bonne foi et de bonne volonté veulent travailler avec nous pour résoudre ce problème.
La guerre que j'ai décidé d'engager contre les trafiquants, contre les voyous, cette guerre-là vaut pour plusieurs années. Elle dépasse de beaucoup la situation d'un gouvernement, d'une majorité ou d'un parti. Et je suis sûr que dans toutes les formations politiques, il se trouve des femmes et des hommes de bonne volonté qui sont décidés à réagir et à apporter leur soutien dans cette action au gouvernement de la République.
Je vous remercie de votre attention.
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En ce jour où je prends officiellement mes fonctions de Président de la République française, je pense à la France, ce vieux pays qui a traversé tant d'épreuves et qui s'est toujours relevé, qui a toujours parlé pour tous les hommes et que j'ai désormais la lourde tâche de représenter aux yeux du monde.
Je pense à tous les Présidents de la Ve République qui m'ont précédé. Je pense au Général De Gaulle qui sauva deux fois la République, qui rendit à la France sa souveraineté et à l'Etat sa dignité et son autorité. Je pense à Georges Pompidou et à Valéry Giscard d'Estaing qui, chacun à leur manière, firent tant pour que la France entrât de plain-pied dans la modernité. Je pense à François Mitterrand, qui sut préserver les institutions et incarner l'alternance politique à un moment où elle devenait nécessaire pour que la République soit à tous les Français. Je pense à Jacques Chirac, qui pendant douze ans a œuvré pour la paix et fait rayonner dans le monde les valeurs universelles de la France. Je pense au rôle qui a été le sien pour faire prendre conscience à tous les hommes de l'imminence du désastre écologique et de la responsabilité de chacun d'entre eux envers les générations à venir.
Mais en cet instant si solennel, ma pensée va d'abord au peuple français qui est un grand peuple, qui a une grande histoire et qui s'est levé pour dire sa foi en la démocratie, pour dire qu'il ne voulait plus subir. Je pense au peuple français qui a toujours su surmonter les épreuves avec courage et trouver en lui la force de transformer le monde. Je pense avec émotion à cette attente, à cette espérance, à ce besoin de croire à un avenir meilleur qui se sont exprimés si fortement durant la campagne qui vient de s'achever. Je pense avec gravité au mandat que le peuple français m'a confié et à cette exigence si forte qu'il porte en lui et que je n'ai pas le droit de décevoir. Exigence de rassembler les Français parce que la France n'est forte que lorsqu'elle est unie et qu'aujourd'hui elle a besoin d'être forte pour relever les défis auxquels elle est confrontée. Exigence de respecter la parole donnée et de tenir les engagements parce que jamais la confiance n'a été aussi ébranlée, aussi fragile. Exigence morale parce que jamais la crise des valeurs n'a été aussi profonde, parce que jamais le besoin de retrouver des repères n'a été aussi fort. Exigence de réhabiliter les valeurs du travail, de l'effort, du mérite, du respect, parce que ces valeurs sont le fondement de la dignité de la personne humaine et la condition du progrès social. Exigence de tolérance et d'ouverture parce que jamais l'intolérance et le sectarisme n'ont été aussi destructeurs, parce que jamais il n'a été aussi nécessaire que toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté mettent en commun leurs talents, leurs intelligences, leurs idées pour imaginer l'avenir. Exigence de changement parce que jamais l'immobilisme n'a été aussi dangereux pour la France que dans ce monde en pleine mutation où chacun s'efforce de changer plus vite que les autres, où tout retard peut être fatal et devient vite irrattrapable. Exigence de sécurité et de protection parce qu'il n'a jamais été aussi nécessaire de lutter contre la peur de l'avenir et contre ce sentiment de vulnérabilité qui découragent l'initiative et la prise de risque. Exigence d'ordre et d'autorité parce nous avons trop cédé au désordre et à la violence, qui sont d'abord préjudiciables aux plus vulnérables et aux plus humbles. Exigence de résultat parce que les Français en ont assez que dans leur vie quotidienne rien ne s'améliore jamais, parce que les Français en ont assez que leur vie soit toujours plus lourde, toujours plus dure, parce que les Français en ont assez des sacrifices qu'on leur impose sans aucun résultat. Exigence de justice parce que depuis bien longtemps autant de Français n'ont pas éprouvé un sentiment aussi fort d'injustice, ni le sentiment que les sacrifices n'étaient pas équitablement répartis, ni que les droits n'étaient pas égaux pour tous. Exigence de rompre avec les comportements du passé, les habitudes de pensée et le conformisme intellectuel parce que jamais les problèmes à résoudre n'ont été aussi inédits.
Le peuple m'a confié un mandat. Je le remplirai. Je le remplirai scrupuleusement, avec la volonté d'être digne de la confiance que m'ont manifestée les Français. Je défendrai l'indépendance et l'identité de la France. Je veillerai au respect de l'autorité de l'Etat et à son impartialité. Je m'efforcerai de construire une République fondée sur des droits réels et une démocratie irréprochable. Je me battrai pour une Europe qui protège, pour l'union de la Méditerranée et pour le développement de l'Afrique. Je ferai de la défense des droits de l'homme et de la lutte contre le réchauffement climatique les priorités de l'action diplomatique de la France dans le monde.
La tâche sera difficile et elle devra s'inscrire dans la durée. Chacun d'entre vous à la place qui est la sienne dans l'Etat et chaque citoyen à celle qui est la sienne dans la société ont vocation à y contribuer. Je veux dire ma conviction qu'au service de la France il n'y a pas de camp. Il n'y a que les bonnes volontés de ceux qui aiment leur pays. Il n'y a que les compétences, les idées et les convictions de ceux qui sont animés par la passion de l'intérêt général. A tous ceux qui veulent servir leur pays, je dis que je suis prêt à travailler avec eux et que je ne leur demanderai pas de renier leurs convictions, de trahir leurs amitiés et d'oublier leur histoire. A eux de décider, en leur âme et conscience d'hommes libres, comment ils veulent servir la France.
Le 6 mai il n'y a eu qu'une seule victoire, celle de la France qui ne veut pas mourir, qui veut l'ordre mais qui veut aussi le mouvement, qui veut le progrès mais qui veut la fraternité, qui veut l'efficacité mais qui veut la justice, qui veut l'identité mais qui veut l'ouverture. Le 6 mai il n'y a eu qu'un seul vainqueur, le peuple français qui ne veut pas renoncer, qui ne veut pas se laisser enfermer dans l'immobilisme et dans le conservatisme, qui ne veut plus que l'on décide à sa place, que l'on pense à sa place. Eh bien, à cette France qui veut continuer à vivre, à ce peuple qui ne veut pas renoncer, qui méritent notre amour et notre respect, je veux dire ma détermination à ne pas les décevoir.
Vive la République ! Vive la France !
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from keras.callbacks import ModelCheckpoint, EarlyStopping
from glossolalia.loader import load_seeds, load_text, load_texts
from glossolalia.lstm import generate_padded_sequences, create_model, generate_text
from glossolalia.tokens import PoemTokenizer
def main():
# should_train = True
# model_file = "../models/dawa_lstm_%i.hd5" % nb_epoch
nb_words = 20
nb_epoch = 100
nb_layers = 128
dropout = .3
tokenizer = PoemTokenizer()
# if should_train:
corpus = load_texts()
print("Corpus:", corpus[:10])
inp_sequences, total_words = tokenizer.get_sequence_of_tokens(corpus)
predictors, label, max_sequence_len = generate_padded_sequences(inp_sequences, total_words)
model = create_model(max_sequence_len, total_words, layers=nb_layers, dropout=dropout)
model.summary()
file_path = "../models/verne/verne_lstm%i-d%.1f-{epoch:02d}_%i-{accuracy:.4f}.hdf5" % (nb_layers, dropout, nb_epoch)
checkpoint = ModelCheckpoint(file_path, monitor='accuracy', period=10, save_best_only=True)
# print_callback = LambdaCallback(on_epoch_end=on_epoch_end)
early_stopping = EarlyStopping(monitor='accuracy', patience=5)
callbacks_list = [checkpoint, early_stopping]
for i in range(0, nb_epoch, 10):
model.fit(predictors, label, initial_epoch=i, epochs=min(i + 10, nb_epoch), verbose=2, callbacks=callbacks_list)
for seed in ["", "Je", "Tu", "Le", "La", "Les", "Un", "On", "Nous"]:
print(generate_text(model, tokenizer, seed, nb_words, max_sequence_len))
# model.save(model_file)
# else: # FIXME: Load and predict, maybe reuse checkpoints?
# model = load_model(model_file)
for i, seed in enumerate(load_seeds(corpus, 5)):
output = generate_text(model, tokenizer, seed, nb_words, max_sequence_len)
print("%i %s -> %s" % (i, seed, output))
with open("./output/verne.txt", "a+") as f:
while True:
input_text = input("> ")
text = generate_text(model, tokenizer, input_text, nb_words, max_sequence_len)
print(text)
f.writelines("%s\n" % text)
def debug_unrandomize():
from numpy.random import seed
from tensorflow_core.python.framework.random_seed import set_random_seed
# set seeds for reproducibility
set_random_seed(2)
seed(1)
if __name__ == '__main__':
debug_unrandomize()
main()
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